Texas Instruments vient de lancer un investissement colossal de plus de 60 milliards de dollars pour ériger un gigantesque complexe de production de semi-conducteurs aux États-Unis, concentré notamment dans les états du Texas et de l’Utah. Ce projet, qui s’inscrit dans un contexte géopolitique et industriel tendu où la souveraineté technologique est devenue un enjeu crucial, vise notamment à renforcer la fabrication locale de puces essentielles pour des entreprises comme Apple et son emblématique iPhone. L’ambition est claire : réduire la dépendance extérieure tout en augmentant significativement la capacité de production, dans une industrie aujourd’hui plus que jamais stratégique. Ce chantier titanesque promet également de recréer une partie importante de la chaîne d’approvisionnement américaine et d’impulser une dynamique d’innovation, de compétences et d’emplois dans la Silicon Prairie texane, autour de la ville de Sherman.
Texas Instruments : un poids lourd revisitant la fabrication de puces made in USA
Texas Instruments (TI), acteur historique de la microélectronique américaine, a pris un virage audacieux avec ce blueprint à 60 milliards de dollars. Cette somme colossale permettra l’édification de sept nouvelles usines – ou fabs – dédiées à la production de semi-conducteurs. Autrefois connu surtout pour ses calculatrices graphiques, TI est aujourd’hui au cœur des innovations industrielles avec ses puces analogiques et embarquées utilisées autant dans l’industrie automobile que dans des technologies de haut vol.
La montée en puissance de ce mégaprojet se déroule alors que les tensions commerciales incitent les États-Unis à relocaliser des productions considérées stratégiques. Dans ce contexte, Texas Instruments mise sur la fabrication locale de puces pour contrer la suprématie de fondeurs asiatiques comme TSMC et Samsung. Ce projet s’inscrit parfaitement dans la logique d’indépendance technologique initiée au niveau fédéral, avec des aides massives issues notamment du CHIPS Act. TI combine ainsi des incitations fiscales substantielles – dont un crédit d’impôt à 35 % – avec des investissements publics et privés pour dynamiser l’écosystème américain des semi-conducteurs.
- Sept nouvelles usines en construction : quatre à Sherman, Texas, une autre à Richardson, Texas, et deux dans l’Utah.
- Augmentation de la capacité : ces fabs multiplieront par cinq la production actuelle de TI.
- Produits ciblés : puces analogiques et embarquées, essentielles pour des appareils variés allant des autonomies électriques à l’iPhone.
- Emplois stimulés : ce projet créera environ 60 000 emplois directs et indirects.
- Technologie dominante : fabrication sur wafers de 300 mm, une technologie clé pour améliorer les rendements et réduire les coûts.
Le pari d’une augmentation massive de la production sur le sol américain ne doit cependant pas être dissocié des enjeux de compétitivité. Après une chute de parts de marché face à la concurrence, TI mise sur cette expansion toute en multipliant ses alliances stratégiques, notamment avec Apple. Depuis plusieurs trimestres, les regards se tournent vers cette dynamique et vers la capacité de TI à regagner selon les analystes la confiance des donneurs d’ordre après une période difficile déclenchée par la crise des semi-conducteurs.

Fabrication avancée de semi-conducteurs pour iPhone : un défi industriel d’envergure
La production de puces pour smartphones comme l’iPhone impose des standards extrêmement élevés en matière de qualité, de volume et de sécurité. Les usines que Texas Instruments construit sont pensées pour fonctionner à des cadences industrielles sans précédent tout en maîtrisant la complexité technique et environnementale.
Ce projet vise à produire des « fondations » de semi-conducteurs, des composants critiques qui, même s’ils ne sont pas nécessairement les plus miniaturisés et avancés au monde, sont essentiels dans l’architecture des appareils conçus par Apple. TI fabrique notamment des puces analogiques ou embarquées dans des tailles généralement supérieures (45 à 130 nm), optimales pour la gestion des signaux électriques appliqués dans des fonctions comme la gestion de l’alimentation, la connectivité sans fil ou le traitement de capteurs divers.
Exemples concrets d’usages dans un iPhone :
- Gestion de la batterie : régulation de la charge et protection électrique.
- Interface des capteurs : microphone, caméra, gyroscope, etc.
- Fonctions liées à la sécurité : puces embarquées pour la gestion des bootloaders et sécurisation des communications.
- Contrôle thermique : capteurs de température pour éviter la surchauffe.
La construction de ces fabuleux centres de production s’accompagne de défis majeurs tels que la consommation considérable en eau (environ 1 700 gallons par minute pour la seule usine de Sherman) et en énergie. Texas Instruments met en avant un fort engagement écologique, visant notamment à recyler 50% de l’eau utilisée et à alimenter les sites avec 100% d’énergie renouvelable. La taille des wafers de 300 mm utilisée joue par ailleurs un rôle prépondérant dans l’amélioration de l’efficacité énergétique par puce produite, une évolution nécessaire pour la pérennité de la chaîne de valeur.
Compte tenu des volumes attendus et d’une politique de diversification géographique, TI reste ultra-dépendant d’un approvisionnement mondial incluant des acteurs comme ASML pour l’équipement et des partenaires en assemblage en Asie. Cette dualité entre montée en puissance locale et globalisation raisonnée reflète les complexités actuelles de la chaîne industrielle des semi-conducteurs.
Texas Instruments face à la concurrence mondiale et l’impact des tensions commerciales
Dans un secteur où des mastodontes comme Samsung, Intel, TSMC et Qualcomm tiennent la cadence, Texas Instruments joue dans une catégorie légèrement différente, mais pas moins essentielle. La spécialisation dans les puces analogiques et embarquées, bien que parfois éclipsée par la presse qui se focalise sur les dernières générations de puces nanométriques, est un pilier qui accompagne tout l’écosystème des produits électroniques grand public et industriels.
Face aux incertitudes liées aux droits de douane et aux politiques protectionnistes, TI a vu ses actions chuter temporairement après l’annonce du projet, quand certains acteurs du marché s’interrogeaient sur la demande réelle et l’impact des tarifs. Cependant, l’entreprise semble mieux placée que d’autres, selon des experts, pour tirer son épingle du jeu grâce à son modèle d’usine américaine et son positionnement tarifaire agressif par rapport aux puces venues de Taïwan ou de Corée. Une véritable bataille se joue autour de la localisation : être « made in USA » devient une carte stratégique.
Par ailleurs, TI s’appuie sur son histoire et son savoir-faire pour renforcer sa compétitivité. C’est elle qui a inventé la première puce intégrée – un jalon en 1958 qui a révolutionné la microélectronique – et qui continue aujourd’hui d’innover dans des segments comme l’automobile ou les data centers. Le partenariat croissant avec Nvidia en est un exemple marquant : ensemble, ils développent des solutions pour augmenter l’efficacité énergétique des centres de données, un défi majeur à l’heure où les besoins en calcul et en intelligence artificielle explosent.
- Répartition des revenus : 60% des ventes viennent de clients internationaux, avec 20% provenant directement de la Chine.
- Sites internationaux : production et assemblage répartis entre Allemagne, Japon, Mexique, Taïwan, Philippines et Malaisie.
- Offensive américaine : investissement massif aux États-Unis malgré cette présence globale.
Impact concret sur les territoires et l’emploi : Sherman, la Silicon Prairie en plein essor
Le choix de Sherman, Texas, est loin d’être anodin. Cette petite ville de 50 000 habitants, pourtant méconnue du grand public, devient en quelques années un véritable épicentre de la production de semi-conducteurs aux États-Unis. L’origine de cette présence remonte à la fin des années 1960, mais c’est aujourd’hui avec ses nouvelles fabs de 300 mm que Sherman s’impose comme un acteur clé de la Silicon Prairie.
Le maire de Sherman souligne avec force que le développement de Texas Instruments est un moteur économique vital. En plus des 60 000 emplois que le projet doit créer à terme, la population locale connaît une croissance accélérée, avec une augmentation démographique doublée depuis l’annonce officielle. Ce type d’initiative illustre comment un mégaprojet industriel peut redistribuer efficacement des richesses.
Outre la main-d’œuvre, les infrastructures et ressources naturelles ont dû suivre la cadence. Sherman bénéficie de droits importants sur l’eau provenant du lac Texoma, une ressource stratégique dans une zone sujettes à la sécheresse. L’électricité, fournie par un réseau indépendant texan, a été renforcée pour garantir une stabilité indispensable à ce secteur très sensible.
À proximité, la présence d’autres géants comme Samsung, avec son usine de 17 milliards de dollars à Austin, parachève une véritable métamorphose économique texane. Une véritable course mondiale pour les talents s’engage dans cette région, favorisée par les partenariats avec des universités et centres de formation locaux. Le recrutement de profils spécialisés – ingénieurs en semi-conducteurs, techniciens de production, chercheurs – est une priorité pour soutenir cette dynamique.
Perspectives d’avenir : les enjeux pour Apple, TI et l’industrie des semi-conducteurs
La coopération approfondie entre Apple et Texas Instruments marque une étape clé dans la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement pour l’iPhone, dans un contexte où la maîtrise technologique locale devient un levier de compétitivité. En intégrant davantage de fabrication nationale, Apple réduit sa vulnérabilité aux perturbations géopolitiques tout en améliorant potentiellement la qualité et la rapidité d’innovation.
Pour Texas Instruments, ce mégaprojet est un pari risqué mais mesuré, reposant sur l’espoir de retrouver ou renforcer ses parts de marché dans un environnement très concurrentiel. La capacité à produire localement des puces indispensables mais accessibles en termes de coûts pourrait leur permettre de regagner la confiance des clients après une baisse de parts de marché récente.
- Renforcement des liens industriels : intégration accrue des technologies TI dans les produits Apple.
- Soutien réglementaire et financier : exploitation des mesures fédérales comme le CHIPS Act et du soutien fiscal du Texas.
- Développement durable : engagement dans la fabrication responsable avec énergies renouvelables et recyclage des ressources.
- Innovations à venir : production de puces optimisées pour les applications liées à l’intelligence artificielle et aux nouvelles générations d’iPhone.
À moyen terme, le défi sera de maintenir une visibilité claire sur la demande mondiale et les évolutions technologiques tout en sécurisant un écosystème complet depuis la conception jusqu’à l’assemblage final. En cela, la dynamique du projet Texas Instruments peut devenir un modèle pour les autres industriels de la filière, en quête de souveraineté et de résilience.
Questions fréquentes utiles pour comprendre l’enjeu du mégaprojet Texas Instruments
- Pourquoi Texas Instruments investit-il autant dans la fabrication aux États-Unis ?
Pour renforcer la souveraineté technologique nationale, réduire la dépendance asiatique et exploiter les incitations financières fédérales et étatiques. - Quel est le rôle de Texas Instruments dans la fabrication de l’iPhone ?
TI fournit des puces analogiques et embarquées essentielles au fonctionnement des iPhones, notamment pour la gestion de la batterie et les capteurs. - Comment la consommation d’eau et d’énergie est-elle gérée ?
Grâce à l’utilisation de wafers 300 mm plus efficaces, au recyclage de 50% de l’eau utilisée et à une alimentation électrique 100% renouvelable. - Ce projet crée-t-il beaucoup d’emplois ?
Oui, environ 60 000 emplois directs et indirects à Sherman et ailleurs au Texas et dans l’Utah. - Comment TI se positionne-t-il face aux géants Samsung, TSMC et Intel ?
TI occupe un créneau complémentaire dans les puces analogiques et embarquées, avec un avantage compétitif grâce à sa production locale et ses coûts maîtrisés.